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au Canada :
55 $ CAN |
On
peut par extension métaphorique appeler outil tous les moyens
de pensée.
Et
quoi de plus élémentaire pour un artiste que de détourner
de sa fonction tout objet afin den révéler son
aspect poétique, de transformer notre quotidien en un espace
de réflexion sur notre condition.
La
démocratisation des ordinateurs personnels est une mutation
sociale incontestable et parfois incontournable. Il en est de même
pour les artistes, souvent considérés en marge du système
social. C'est dans cet esprit de curiosité bienveillante et
de pression indicible, que j'ai donc acheté un ordinateur,
complétant ainsi la gamme variée de mes outils acquis
au fil du temps. Je l'avais déjà nommé "
outil de travail ", puisque le monde l'avait désigné
ainsi et lui avais fait une place dans mon atelier et m'apprêtais
à l'utiliser.
La complexité technique de mon ordinateur, son potentiel varié,
et sa gestion immatérielle des informations troubla l'artisan
constructeur que jétais. Face à ces difficultés,
jouvris mon Encyclopædia Universalis, une édition
un peu vieillotte de 1976 et lus la définition de l'outil.
A ma première lecture, je fus troublé par l'aspect poétique
du texte, chaque mot résonnait comme une invitation à
la découverte d'autres définitions. Puis, un flot d'images,
dévénements quotidiens vint se télescoper
involontairement comme pour vérifier la justesse des idées
développées par cette définition des outils.
Aux lectures suivantes, une idée forte simposa : lutilisation
de loutil dépend de son utilisateur. Si l'outil est un
moyen de transformer la nature, comme le suggérait la définition,
il fallait décider de son orientation. Il en était de
même pour moi.
Lentement et laborieusement, jexplorais les facettes multiples
et variées de mon ordinateur, et comme le dit la définition
de mon encyclopédie la manière machiniste ajoutait
à l'aliénation du travail celle du savoir. Finalement,
je découvris que jutilisais les mêmes outils
qu'auparavant tels que : la scie pour couper, coller, couvrir,
ou superposer, mais ici avec une source immatérielle où
le repentir du peintre est infini et invisible.
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Exposition Sauvage est une série de 12 images multi-supports
confrontant
un outil et une photo «collective», une photo de presse
accompagnée dun extrait de cette définition.
Aujourd'hui cette uvre existe sous diverses formes. Celle de
douze images imprimées ayant été exposées
et distribuées tout au long de l'année 1998 dans des
lieux publics de Paris, dans
un lieu d'art, la galerie Donguy, et finalement par
envoi postal à
plus d'une centaine de personnes chaque mois pendant toute la durée
de l'exposition.
Exposition
Sauvage existe aussi sous la forme d'une source luminescente et dun
fichier sonore sur le réseau de communication Internet. Le
visiteur peut reproduire ces images en utilisant son imprimante personnelle
comme un atelier de reproduction.
Le
mode d'exposition et le choix du lieu de présentation sont
un complément significatif au sens général de
ces images.
Cest
lidée même de cette source sans matérialité,
sans support, paradoxalement, qui devint rapidement la perspective
la plus excitante de mon outil. En effet, sans effectuer une métamorphose
frustrante et dégradée de l'uvre comme peut
l'être une peinture vis à vis de la photo de cette
même peinture, il était facile de faire varier sa présentation,
sa taille, sa définition, sans pour autant penser que lune
des versions était luvre et lautre la copie
de luvre. La multiplication et la diversification de
présentation me permettaient donc de changer l'accessibilité
de mon travail, d'augmenter sa rencontre et les circonstances de
cette rencontre.
Ainsi si Marcel Duchamp avait amené dans les lieux d'art
un objet usuel, son urinoir, ironique émissaire de l'extérieur,
en le présentant couché, il avait tenté de
changer le point de vue du monde artistique afin qu'il porte son
attention sur le monde ; si Robert Filliou avait affirmé
que l'art est ce qui rend la vie plus intéressante
que l'art , il nen restait pas moins que lexistence
de luvre dart " unique " nous en interdisait
la sortie. Avec ce nouvel outil, je n'avais plus aucune raison de
considérer les lieux d'art comme l'élément
exclusif de la rencontre et de l'existence de mon travail.
C'est à ce moment-là qu'est née lidée
d'Exposition Sauvage, comme un croisement, une rencontre de plusieurs
intérêts avec ce quil peut y avoir daléatoire
dans une rencontre. Javais envie de profiter du potentiel
que moffrait mon nouvel outil, à savoir, me rapprocher
de vous, sans dégrader luvre, simplement en la
multipliant et en diversifiant son mode de présentation et
donc les lieux de sa présentation. Javais envie de
vous parler, à ma manière, de cette définition
des outils, pour sa valeur poétique et philosophique, puisquelle
est au cur de lacte créateur. En effet, ce qui
semble distinguer un peintre en bâtiment dun artiste
peintre tient au regard que chacun deux portent sur ses outils,
puisque tous deux utilisent les-mêmes. Enfin parce que cette
définition souligne les constats de dysfonctionnement de
notre société, dont nous sommes tous les acteurs.
Xavier
Cahen
www.levels9.com
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