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Aziz Abdoul Sall
notre collaborateur à Dakar

 

A l'assaut de l'internet.

Les artistes sénégalais prennent d'assaut l'internet. Cela est d'autant plus significatif que le flou artistique qui entourait ce phénomène médiatique s'est dissipé en quelques jours, naturellement, au bout d'un "apprentissage" de la machine, du réseau et des logiciels.

Le processus de création des oeuvres s'enclenche. Il s'articule autour de l'énoncé, du brassage des idées, de l'identification d'un thème commun au groupe, de l'ébauche d'un scénario. Ensuite viendra la captation de contenu.

Mais au delà, il s'agit pour les artistes de s'engager dans une démarche d'interdisciplinarité qui n'est pas toujours sans contraintes, mais bien enrichissante : les oeuvres font appel, à la fois, à plusieurs disciplines et démarches artistiques.

C'est là tout le sens de la rencontre d'artistes qui n'ont jamais eu l'occasion de travailler véritablement ensemble.

Et l'expérience en cours montre qu'ils avaient bien quelque chose à faire les uns avec les autres.

 

 

L'art du donner et du recevoir

Ainsi souhaitait Senghor

Les président sénégalais et poète Léopold S. Senghor, chantre de la négritude et figure marquante de francophonie, trouve t-il écho dans l'internet ?

Son oeuvre est traversée par les idées de métissage culturel, de civilisation de l'universel et d'un rendez-vous fameux, celui du donner et du recevoir. Ce que résumerait difficilement la notion actuelle de mondialisation.

Avec l'avènement de l'internet la vision du poète semble se démarquer un peu plus de l'abstrait, de l'idéal. Aurait-elle trouvé son cadre en cet instrument ?

De ce point de vue les artistes Sénégalais qui participent à l'atelier d'ISEA insufflent un sens nouveau à la pensée de Senghor.

Ils sont donc à ce rendez-vous du donner et du recevoir via internet avec des oeuvres qui reflètent autant la spiritualité que les références culturelles locales.

 

 

L'Afrique, un désert technologique ?

Non ! l'Afrique n'est pas un désert technologique même si l'internet y connaît un développement relativement lent.

Les raisons à cela sont nombreuses. Les plus évidentes sont liées à la qualité du réseau téléphonique, au coût des communications et au fait que l'ordinateur entre à peine dans l'environnement des utilisateurs potentiels. D'où les difficultés des uns et des autres quant à son utilisation et au maniement des logiciels.

Mais tout laisse croire que cette situation pourrait ne pas durer longtemps, comme en atteste l'engouement des artistes pour ce programme de formation : le nombre d'artistes initialement prévu était de douze. C'est finalement avec vingt artistes que les ateliers se tiennent ! Ce qui n'est pas sans conséquences sur l'organisation du temps de travail des animateurs.

Ainsi, les ateliers offerts par ISEA à l'intention des artistes sénégalais constituent un pas de plus de l'Afrique vers l'internet.

 

 

Au-delà des souhaits

Les ateliers avaient à peine démarré que la question du suivi s'est posée. Pour assurer une continuité au travail entrepris, il faut avoir accès aux machines et aux connexions internet, deux causes de blocage, au Sénégal.

Les outils informatiques sont encore classés dans la catégorie des biens de consommation dits " de luxe " et rares sont les personnes qui disposent d'un ordinateur.

À Dakar, la même rareté se répercute. À titre d'exemple on ne compte qu'un cyber café digne de ce nom, le Métissacana. Et l'internet n'est pas véritablement pris en compte dans les divers domaines d'activité (art, musique, etc.). C'est dire que la cyber-culture à du mal à s'installer sous nos cieux·

À coté de cela il y a le coût (très élevé) des communications téléphoniques. Ce qui ne favorise pas une utilisation professionelle de l'internet. La Société Nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel) détient encore le monopole du secteur malgré la timide " privatisation " du cellulaire. Il est donc difficile d'envisager à court terme une baisse significative du coût du téléphone.

À moins que l'Etat qui a des parts importantes dans cette société ne démontre une volonté politique dans ce sens. Il faudrait pour cela qu'il se sente dans l'obligation d'agir. La pression doit alors venir de tous ceux pour qui l'internet est un outil de travail et une source de performances.

Les artistes qui participent à cet atelier, ainsi que tous les émules qu'ils sont en train de faire, font d'emblée partie de ceux là.

 

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